Littératures de l’Imaginaire – Subversives par nature?

Il faut bien admettre que les littératures de l’imaginaire ou SFFF ne sont pas mise en avant par les médias français contemporains.

Les pages culture des quotidiens, hebdomadaires ou mensuels, des radios , des télévisions évoquent facilement les romans classiques ou contemporains, les romans policiers ou thrillers et même la bande dessinée considérée comme le neuvième art. Les littératures de l’imaginaire restent les grandes oubliées des médias.

Oubliées ? Est-ce vraiment un oubli ? Rassurez-vous, je n’y vois pas un complot, mais il devrait être possible de trouver une ou plusieurs explications à cette absence.

De fait l’imaginaire n’est pas totalement oublié, les films et séries inspirées par les littératures SFFF sont nombreux, connaissent de grands succès et font la une des médias. Et même si ces films et séries sont inspirées de livres les livres eux-mêmes sont assez vite oubliés.

Alors, pourquoi cette invisibilité des littératures SFFF ? L’image du lectorat de SFFF est celle d’un public adolescent plutôt masculin qui cherche avant tout une lecture d’évasion et de distraction. Cette image est facilement opposée à celle du lecteur de littérature dite classique qui a une approche plus intellectuelle et même au lecteur de romans policiers, thriller ou d’espionnage qui est plus mur et plus adulte.

Cette image, loin de la réalité, contribue à cantonner l’imaginaire à une littérature de niche qui a son utilité, comme introduction à la littérature pour un public jeune, qui adulte pourra enfin progresser vers des littératures plus sérieuses.

Et pourtant, loin d’une littérature de seconde zone, les littératures de l’imaginaire, qui ont une longue histoire, que l’on peut faire remonter aussi loin que l’épopée sumérienne de Gilgamesh en passant par l’Iliade et l’Odyssée, les romans Arthuriens, les contes et légendes de tous pays et qui vont jusqu’à des futurs lointains ou les sciences les plus complexes ont une importance prépondérante, présentent une richesse de thèmes et de récits n’ayant rien à envier aux autres formes de littératures.

Il faut reconnaître que ces littératures sont souvent déroutantes , d’autant plus dans les écrits contemporains ou l’intertextualité prend une plus grande importance et entraîne une difficulté à pénétrer certains ouvrages qui font appels à des concepts ou événements déjà connus des lecteurs assidus du genre.

Cependant, à mon sens, la véritable difficulté que rencontrent ces littératures à atteindre un lectorat et une reconnaissance plus importante est liée à leur nature intrinsèquement subversive.

Est subversif ce qui « renverse ou menace l’ordre établi, les valeurs reçues », et c’est bien la nature des littératures de l’imaginaire. Quel qu’en soit le propos politique, économique, spirituel ou religieux, tout ouvrage de SFFF a pour base un décalage avec l’ordre établi, ce n’est plus « notre monde », la base de chaque livre est en déphasage avec le monde de notre expérience quotidienne.

Ce décalage permet à l’auteur d’imaginer d’autres réalités, et au lecteur de comprendre qu’il pourrait exister d’autres possibles. « Et si … », voilà la base des littératures de l’imaginaire, et c’est sans doute aussi la base de son absence dans les médias.

« Et si… », ce ne peut pas être sérieux, et pourquoi pas de la magie tant qu’on y est ? Alors là, mon cher vous êtes en pleine science-fiction !

La bien-pensance souffre de cette incertitude et y voit instantanément une idéologie malsaine permettant toutes les dérives. Or les littératures de l’imaginaire ne se cantonnent à aucune idéologie et souvent l’idéologie ou la spiritualité soutenues par l’auteur d’un livre ne posent aucune contrainte au lecteur qui, lui, sait qu’il vient de rentrer dans un imaginaire qui est loin d’être unique et que dès la lecture terminée il pourra passer à un autre imaginaire parfois diamétralement opposé.

C’est bien là que se trouve la force de la SFFF, aussi riche et évolutive que la vie elle-même ouvrant tous les horizons, affranchie des contraintes du réel et défrichant la voie de tous les possibles.

Lisons sans limites!