Eutopia – Camille Leboulanger

Eutopia est l’histoire d’Umo, que nous découvrons dans l’enfance et que nous allons suivre jusqu’à la fin de sa vie. Umo n’a rien d’exceptionnel, mais il va être un guide extraordinaire pour nous faire découvrir une utopie en marche.
Son monde est le nôtre, après l’effondrement, après le temps des camps où se sont retrouvés enfermés les réfugiés. Ces camps dans lesquels les oubliés ont recréé une nouvelle société dont la forme politique a remplacé toutes les autres après « La déclaration d’Antonia ».

C’est donc cette nouvelle civilisation qui a déjà quelques siècles qu’Umo va nous faire découvrir. Une utopie ? Peut-être, mais c’est une utopie en marche, comme un système écologique où le lent mouvement d’évolution à la fois conserve et transforme un équilibre instable par nature.
Le fondement de cette utopie est l’absence de propriété. « Il n’y a de propriété que d’usage ». Et c’est à partir de ce premier article de « La déclaration d’Antonia » que toute la société s’est construite.
Si la base de ce roman est bien politique, ce n’est cependant que le support du roman d’une vie, la vie d’Umo. Umo qui nous relie aux personnages, aux lieux, au passé, au futur, à travers ses actions, ses réflexions, ses voyages et surtout ses rencontres et ses amours.
Je vous invite à découvrir ce livre, comme un livre d’aventures, sans héros ni coups d’éclat. Aventures quotidiennes, qui par petites touches successives, comme un tableau pointilliste, nous laisse découvrir une aventure collective encore plus grande.

Pour finir.

Il est des livres singuliers, Eutopia en fait partie. Singulier, ce roman l’est à plus d’un titre comme vous le découvrirez.

Roman post-apocalyptique, puisqu’il se situe après l’effondrement d’un monde, il se distingue du genre en se plaçant après la reconstruction d’une nouvelle société.

C’est un récit à la première personne, une vie entière de la petite enfance à la vieillesse, un cheminement individuel à travers un monde futur d’où l’urgence a disparu.

Umo, notre guide dans ce nouveau monde, n’est ni un héros, ni son opposé. Son chemin est fait de rencontres et c’est toujours à travers ses rencontres que nous découvrons sa vie.

Deux devises sous-tendent l’ensemble de l’ouvrage. « Nous avons le temps » et « Le travail, c’est de l’amour. L’amour, c’est du travail. »

Le monde décrit dans « Eutopia » est trop beau pour être vrai et pourtant tellement vraisemblable, aimerez-vous y vivre autant qu’Umo ?

Imaginaires d’Asie – Plumes de l’imaginaire

Pour nous extrêmes-occidentaux, l’Asie est une autre terre, source d’imaginaires pluriels, de mythes inconnus et de peuples fascinants. Aussi quand il m’a été proposé, en service de presse, ce recueil de nouvelles « Imaginaires d’Asie » l’ai-je accepté avec plaisir.

Au plaisir de la découverte de contrées « exotiques » s’est ajouté, tout au long des treize nouvelles, l’émerveillement de la variété des récits et de l’écriture de nouvelles plumes.
La couverture est somptueuse et, tout au long du recueil les illustrations ajoutent une respiration/inspiration au récit.

Au bout de ces lectures, il reste, au-delà de leur diversité, une impression de convergence. Comme une toile liant les peuples, les mythes, les êtres et la Nature majuscule. Nature qui baigne tous les récits de sa présence et de ses transformations, pour le meilleur et pour le pire.
N’ayant jamais proposé de chroniques sur un recueil de nouvelles, j’ai décidé de me laisser guider par les personnages à travers l’espace et à travers le temps pour vous entraîner dans ces voyages extraordinaires.

Pour un résumé complet des nouvelles voir ce lien. https://www.etherval.com/produit/imaginaire-dasie-anthologie-papier/

Puisqu’il faut commencer, entrons par une des portes du continent, Shanghai la cosmopolite à la fin du XIX ème siècle. Shanghai où tout s’achète et se vend. Suivons nos trois guides, rusées renardes, à la recherche du Phénix gardien de la nature. Leur alliance de légendes, inédite entre Chine, Corée et Japon nous plonge dans la nostalgie d’une nature idéale préservée par les esprits élémentaires.

Sans quitter la Chine, remontons le temps, à bord d’un chariot mené par un vieillard, conteur de son état se rendant à la cour de l’empereur, pour distraire sa dernière épouse. Mais qui est vraiment ce conteur, et comment faire vivre les personnages des contes.

Traversons les mers pour arriver au Japon, où nous attend Hikari jeune fille nostalgique d’un pays qui a abandonné ses traditions. Elle va rencontrer Léonie, vieille femme parisienne, perdue dans ce pays si différent. Toutes deux vont nous conduire dans une forêt enchantée où l’apparence du mal va les conduire à une compréhension mutuelle.

Un saut dans l’espace et le temps vers la péninsule indochinoise et le Cambodge. Voyage vers le futur avec un french doctor au Cambodge. Dans cette région d’où sont venues quelques pandémies, ce médecin va nous guider à travers la jungle pour retrouver son patient zéro, un jeune enfant que sa famille ramène à son village avant qu’il n’ait pu le soigner. Au cœur de cette nouvelle, jusqu’où l’être humain appartient-il à la nature, lui qui voulait la posséder.

C’est une toute autre Asie que le Bhoutan, sur le toit du monde. Suivons Sherab, jeune fille à la poursuite du migoï qui a tué son frère. Accompagnée par un takin, mi chèvre mi vache, qui lui est en quête de ses origines, elle va croiser un corbeau, émissaire des dieux. Tous les trois vont nous mener sur le toit du monde pour affronter le migoï.

Redescendons un peu vers les plaines de Mongolie en compagnie de Simon, enfant de mongols, réfugiés climatiques. Simon se rend à Oulan Bator pour le compte de l’Organisation Mondiale de Préservation du Climat. Est-ce vraiment un hasard pour un enfant de la steppe qui parle aux animaux ?

Plus au sud, nous retrouvons la Chine au pied de la muraille qui protège l’empire des assauts de la sylve, nature sauvage issue des arbres. C’est Xiu, une automate de cour qui nous guide dans les pas de son jeune maître Luo Jian. Dans la confrontation de la nature et de l’homme, Xiu va trouver sa place et reconnaître ses origines, ses mystères et trouver sa voie singulière.

C’est la péninsule coréenne qui nous appelle ensuite. La Corée du Nord tout d’abord où nous pénétrons clandestinement en 2068 pour rencontrer Yong Sim-bin, président de la commission des sciences. Celui-ci est en charge du projet Cyborg pour le compte du président Kim No-bang, futur éternel leader. Sommes-nous certains que tout se passera bien ? La nature humaine prendra-t-elle sa revanche ?

Franchissons la ligne de démarcation pour nous rendre en Corée du Sud, accompagner Eddy exilé nano-booté ébloui au pays de la technologie triomphante. Le développement extraordinaire des nanotechnologies a produit des effets secondaires inattendus sur l’environnement et les humains. Le combat entre la nature transformée et les nano-humains fait rage. Monstres contre monstres, choisissez votre camp.

Cap au sud vers l’Indonésie à bord de La perle perdue, goélette du capitaine Kus. Une équipe de géologues français est à bord, mandatée par EDF pour étudier la possibilité d’implanter des éoliennes. Mais est-ce vraiment la raison de leur présence ? Les habitants en doutent. Et dans ce pays ou les forces naturelles et les peuples autochtones sont fortement liés, qui sait ce qui peut arriver.

Nous remontons vers la péninsule indochinoise en passagers du fleuve Mékong Mère de tous les fleuves. La terre est devenue inhabitable et les humains vivent dans des cités souterraines. Mei notre guide est chargé d’une mission à la surface à bord d’un aéroglisseur pour vérifier que la baisse de radioactivité constatée dans les eaux du fleuve pourrait augurer d’une possibilité de vivre à la surface. Au fil de leur remontée du fleuve, la vie animale et végétale semble avoir repris, des cultures organisées apparaissent. Mais qui est responsable de ces cultures ?

Nouveau détour en Corée. Ici aussi les habitants vivent sous terre, mais nous allons suivre Young Jae, jeune chasseur qui parcourt le monde extérieur. Accompagné d’une jeune sorcière mudang, Seo hyun, il est envoyé à la chasse aux esprits. Mais quel esprit hante encore la jungle, tolérera-t-il la présence des chasseurs ? Et que peut faire un chasseur contre les esprits ?

Pour finir notre voyage, gagnons le Viet Nam. C’est un chapeau qui nous servira de guide. Ce chapeau est posé sur la tête de Linh, que sa mère a chargé de restituer à son frère des souliers qu’il a oubliés lorsqu’il est parti chercher du travail chez son oncle. Le périple ne sera pas sans embûches, mais notre chapeau communique avec les esprits, et grâce à sa malice embarquons ensemble pour ce voyage plein de fantaisie.

Et voilà, le voyage est terminé, j’espère que vous y prendrez autant de plaisir que moi, et reviendrez de temps en temps y grappiller quelques images pour prolonger la magie.

Littératures de l’Imaginaire – Subversives par nature?

Il faut bien admettre que les littératures de l’imaginaire ou SFFF ne sont pas mise en avant par les médias français contemporains.

Les pages culture des quotidiens, hebdomadaires ou mensuels, des radios , des télévisions évoquent facilement les romans classiques ou contemporains, les romans policiers ou thrillers et même la bande dessinée considérée comme le neuvième art. Les littératures de l’imaginaire restent les grandes oubliées des médias.

Oubliées ? Est-ce vraiment un oubli ? Rassurez-vous, je n’y vois pas un complot, mais il devrait être possible de trouver une ou plusieurs explications à cette absence.

De fait l’imaginaire n’est pas totalement oublié, les films et séries inspirées par les littératures SFFF sont nombreux, connaissent de grands succès et font la une des médias. Et même si ces films et séries sont inspirées de livres les livres eux-mêmes sont assez vite oubliés.

Alors, pourquoi cette invisibilité des littératures SFFF ? L’image du lectorat de SFFF est celle d’un public adolescent plutôt masculin qui cherche avant tout une lecture d’évasion et de distraction. Cette image est facilement opposée à celle du lecteur de littérature dite classique qui a une approche plus intellectuelle et même au lecteur de romans policiers, thriller ou d’espionnage qui est plus mur et plus adulte.

Cette image, loin de la réalité, contribue à cantonner l’imaginaire à une littérature de niche qui a son utilité, comme introduction à la littérature pour un public jeune, qui adulte pourra enfin progresser vers des littératures plus sérieuses.

Et pourtant, loin d’une littérature de seconde zone, les littératures de l’imaginaire, qui ont une longue histoire, que l’on peut faire remonter aussi loin que l’épopée sumérienne de Gilgamesh en passant par l’Iliade et l’Odyssée, les romans Arthuriens, les contes et légendes de tous pays et qui vont jusqu’à des futurs lointains ou les sciences les plus complexes ont une importance prépondérante, présentent une richesse de thèmes et de récits n’ayant rien à envier aux autres formes de littératures.

Il faut reconnaître que ces littératures sont souvent déroutantes , d’autant plus dans les écrits contemporains ou l’intertextualité prend une plus grande importance et entraîne une difficulté à pénétrer certains ouvrages qui font appels à des concepts ou événements déjà connus des lecteurs assidus du genre.

Cependant, à mon sens, la véritable difficulté que rencontrent ces littératures à atteindre un lectorat et une reconnaissance plus importante est liée à leur nature intrinsèquement subversive.

Est subversif ce qui « renverse ou menace l’ordre établi, les valeurs reçues », et c’est bien la nature des littératures de l’imaginaire. Quel qu’en soit le propos politique, économique, spirituel ou religieux, tout ouvrage de SFFF a pour base un décalage avec l’ordre établi, ce n’est plus « notre monde », la base de chaque livre est en déphasage avec le monde de notre expérience quotidienne.

Ce décalage permet à l’auteur d’imaginer d’autres réalités, et au lecteur de comprendre qu’il pourrait exister d’autres possibles. « Et si … », voilà la base des littératures de l’imaginaire, et c’est sans doute aussi la base de son absence dans les médias.

« Et si… », ce ne peut pas être sérieux, et pourquoi pas de la magie tant qu’on y est ? Alors là, mon cher vous êtes en pleine science-fiction !

La bien-pensance souffre de cette incertitude et y voit instantanément une idéologie malsaine permettant toutes les dérives. Or les littératures de l’imaginaire ne se cantonnent à aucune idéologie et souvent l’idéologie ou la spiritualité soutenues par l’auteur d’un livre ne posent aucune contrainte au lecteur qui, lui, sait qu’il vient de rentrer dans un imaginaire qui est loin d’être unique et que dès la lecture terminée il pourra passer à un autre imaginaire parfois diamétralement opposé.

C’est bien là que se trouve la force de la SFFF, aussi riche et évolutive que la vie elle-même ouvrant tous les horizons, affranchie des contraintes du réel et défrichant la voie de tous les possibles.

Lisons sans limites!