Le Ministère du Futur – Kim Stanley Robinson

En 2020, Kim Stanley Robinson (KSR pour simplifier) a écrit Le Ministère du Futur un roman se déroulant sur la période 2025 à 2050 sur notre planète menacée par les conséquences du changement climatique. Ce thème, KSR l’avait déjà abordé dans ses séries Orange County, La trilogie climatique ainsi que dans les romans S.O.S Antartica, New-York 2140 et Lune Rouge. Dans tous ses ouvrages, la préoccupation écologique est au premier plan et conditionne l’environnement des personnages ainsi que l’intrigue. KSR se place dans un futur proche et propose des possibilités d’adaptation au changement, dans un cadre local relié au changement global. Partant d’un résumé succinct de l’intrigue du Ministère du Futur nous allons pouvoir retrouver des éléments communs, dans l’ensemble de l’œuvre de KSR, reliant tous ses écrits à une approche à la fois écosystémique et holistique (qui considère tous ses objets comme appartenant à un tout).

Le Ministère du Futur

L’ouverture du roman est terrifiante, une vague de chaleur exceptionnelle frappe l’Uttar Pradesh en Inde. Cette vague de chaleur provoque une panne électrique et quelques rares habitants sur des millions parviennent à survivre. Dont un des protagonistes du roman Frank May, humanitaire Américain. A partir de cet évènement dramatique, KSR nous montre un monde qui a pris conscience de la menace. L’ONU a créé le Ministère du futur dirigé par Mary Murphy une diplomate. Tout au long du roman, KSR nous propose une multitude de solutions qui mises bout à bout permettrons peut-être à l’humanité de survivre sans catastrophe majeure. Bien entendu c’est aussi un roman, et avec sa précision habituelle KSR nous propose de multiples péripéties anecdotiques ou dramatiques se déroulant dans des cadres qu’il connait bien et décrit méticuleusement. C’est d’ailleurs cette écriture qui va nous permettre de relier ce roman à l’ensemble de son œuvre et de cette approche que je qualifie d’écosystémique.

De la SF tout azimut

En dehors de la SF d’anticipation post-apocalyptique et écologique, KSR a écrit dans d’autres genres.
Sa Trilogie Martienne traite de la colonisation de Mars sur plus de 200 ans.
Le Rêve de Galilée évoque la rencontre de Galilée avec des voyageurs du temps venus de Jupiter.
2312 décrit une société « utopique » dans un système solaire du futur, tentant de restaurer le système écologique de la terre.
Chronique des années noires est une uchronie où la civilisation occidentale a été anéantie lors de la peste noire au 14ème siècle.
Aurora décrit le voyage d’un vaisseau parti coloniser une planète lointaine et l’évolution de son équipage sur plusieurs générations.
Chaman raconte l’initiation et le passage à l’âge adulte d’un jeune garçon qui deviendra le Chaman de sa tribu à l’âge de glace dans le contexte de la grotte Chauvet.

Cohérence de la thématique

Né en 1952, KSR passe son enfance et son adolescence en Californie dans l’Orange County. Il a vécu, comme il le dit lui-même, le Choc du futur à travers l’urbanisation, basée sur l’automobile, de ce comté californien. Ses études à partir de 1971 à l’université de San Diego vont le conduire à une thèse sur l’œuvre de Philip K. Dick sous la direction de Fredric Jameson. De cette période sont issus ses thèmes de prédilection qui se fondent sur une utopie mettant en cohérence une organisation sociale et politique et l’intégration de l’homme dans le milieu naturel. Sa vision de l’écologie politique est une vision positive où la connaissance scientifique et sociale doit permettre à la fois des avancées sociales et la préservation de la biodiversité. Le désespoir et le catastrophisme n’ont pas leur place dans ses écrits. Quelle que soit la gravité des situations, il met toujours en avant la possibilité d’une amélioration à travers une organisation sociale basée sur la connaissance et la coopération.

Une écriture précise et réaliste


KSR nous parle toujours de ce qu’il connait. Par exemple , c’est un grand amateur de randonnées, et on retrouve dans un grande partie de ses romans des descriptions de paysages très détaillées, que ce soit pour la géologie ou la flore. S.O.S Antarctica, basé sur son séjour en antarctique, qui nous plonge dans ce milieu glacé avec une précision extrême et une connaissance très pointue sur les explorations de ce continent extraordinaire. Cette même précision peut être parfois un obstacle à la lecture comme par exemple dans New-York 2140 qui est d’un abord difficile pour qui ne s’est jamais rendu à New-York, c’est à dire pour beaucoup d’entre nous. C’est au contraire un avantage certain dans des romans comme S.O.S Antarctica, la Trilogie Martienne, Chaman et Le Ministère du Futur. Sa précision ne se limite pas aux descriptions des lieux. C’est un écrivain qui se documente abondamment, ce qui peut parfois avoir l’inconvénient de dater ses œuvres, la connaissance avançant parfois plus vite et différemment de ce que la science, à un instant précis, pouvait laisser espérer. C’est un risque habituel pour un auteur de SF prospective.

Des intrigues à niveaux multiples

Dans la plupart de ses romans, le point de départ s’appuie sur la vision d’un évènement particulier à partir d’un personnage. Ce peut être le principal ou seulement un secondaire. A partir de ce point de vue KSR élargit progressivement l’intrigue en introduisant d’autres protagonistes qui apportent de nouveaux points de vue et élargissent graduellement le contexte jusqu’à nous fournir une vue globale de l’environnement du roman. Cette approche est une analogie de la démarche scientifique pragmatique qui passe de l’observation à l’analyse pour finalement nous conduire à la synthèse. Grand amateur de Jules Verne dans son enfance, KSR s’est probablement inspiré de son écriture didactique.

Une démarche écosystémique

L’écologie comme thème de prédilection de l’auteur se retrouve dans la construction de ses romans. Son approche à niveaux multiples est éclairée par les interactions entre ces niveaux. Comme dans un système écologique chaque élément interagit avec les autres en boucles de rétroaction, et des éléments dont la signification parait insignifiante au premier abord voient leur importance révélée au regard d’autres évènements. On n’y trouve pas de hiérarchie ni d’ordre immuable, pas de super-héros mais pas non plus de simples victimes. Les personnages ont une capacité d’action, chacun à son niveau. Le plus souvent c’est à partir d’un collectif que les situations évoluent. La tribu dans Chaman, le ministère dans Le Ministère du Futur, le conseil municipal dans Lisière du Pacifique …
Et de la même manière qu’un écosystème perturbé retrouvera un équilibre à la suite de changements, les romans de KSR mènent la plupart du temps à cette recherche de futurs positifs.
En attendant la sortie du Ministère du Futur en Français prévue le 25 octobre 2023, je vous recommande donc de lire ou relire les romans de KSR, vous en trouverez certainement un qui correspond à un de vos genres préférés.
Bonne lecture.

Eutopia – Camille Leboulanger

Eutopia est l’histoire d’Umo, que nous découvrons dans l’enfance et que nous allons suivre jusqu’à la fin de sa vie. Umo n’a rien d’exceptionnel, mais il va être un guide extraordinaire pour nous faire découvrir une utopie en marche.
Son monde est le nôtre, après l’effondrement, après le temps des camps où se sont retrouvés enfermés les réfugiés. Ces camps dans lesquels les oubliés ont recréé une nouvelle société dont la forme politique a remplacé toutes les autres après « La déclaration d’Antonia ».

C’est donc cette nouvelle civilisation qui a déjà quelques siècles qu’Umo va nous faire découvrir. Une utopie ? Peut-être, mais c’est une utopie en marche, comme un système écologique où le lent mouvement d’évolution à la fois conserve et transforme un équilibre instable par nature.
Le fondement de cette utopie est l’absence de propriété. « Il n’y a de propriété que d’usage ». Et c’est à partir de ce premier article de « La déclaration d’Antonia » que toute la société s’est construite.
Si la base de ce roman est bien politique, ce n’est cependant que le support du roman d’une vie, la vie d’Umo. Umo qui nous relie aux personnages, aux lieux, au passé, au futur, à travers ses actions, ses réflexions, ses voyages et surtout ses rencontres et ses amours.
Je vous invite à découvrir ce livre, comme un livre d’aventures, sans héros ni coups d’éclat. Aventures quotidiennes, qui par petites touches successives, comme un tableau pointilliste, nous laisse découvrir une aventure collective encore plus grande.

Pour finir.

Il est des livres singuliers, Eutopia en fait partie. Singulier, ce roman l’est à plus d’un titre comme vous le découvrirez.

Roman post-apocalyptique, puisqu’il se situe après l’effondrement d’un monde, il se distingue du genre en se plaçant après la reconstruction d’une nouvelle société.

C’est un récit à la première personne, une vie entière de la petite enfance à la vieillesse, un cheminement individuel à travers un monde futur d’où l’urgence a disparu.

Umo, notre guide dans ce nouveau monde, n’est ni un héros, ni son opposé. Son chemin est fait de rencontres et c’est toujours à travers ses rencontres que nous découvrons sa vie.

Deux devises sous-tendent l’ensemble de l’ouvrage. « Nous avons le temps » et « Le travail, c’est de l’amour. L’amour, c’est du travail. »

Le monde décrit dans « Eutopia » est trop beau pour être vrai et pourtant tellement vraisemblable, aimerez-vous y vivre autant qu’Umo ?

Imaginaires d’Asie – Plumes de l’imaginaire

Pour nous extrêmes-occidentaux, l’Asie est une autre terre, source d’imaginaires pluriels, de mythes inconnus et de peuples fascinants. Aussi quand il m’a été proposé, en service de presse, ce recueil de nouvelles « Imaginaires d’Asie » l’ai-je accepté avec plaisir.

Au plaisir de la découverte de contrées « exotiques » s’est ajouté, tout au long des treize nouvelles, l’émerveillement de la variété des récits et de l’écriture de nouvelles plumes.
La couverture est somptueuse et, tout au long du recueil les illustrations ajoutent une respiration/inspiration au récit.

Au bout de ces lectures, il reste, au-delà de leur diversité, une impression de convergence. Comme une toile liant les peuples, les mythes, les êtres et la Nature majuscule. Nature qui baigne tous les récits de sa présence et de ses transformations, pour le meilleur et pour le pire.
N’ayant jamais proposé de chroniques sur un recueil de nouvelles, j’ai décidé de me laisser guider par les personnages à travers l’espace et à travers le temps pour vous entraîner dans ces voyages extraordinaires.

Pour un résumé complet des nouvelles voir ce lien. https://www.etherval.com/produit/imaginaire-dasie-anthologie-papier/

Puisqu’il faut commencer, entrons par une des portes du continent, Shanghai la cosmopolite à la fin du XIX ème siècle. Shanghai où tout s’achète et se vend. Suivons nos trois guides, rusées renardes, à la recherche du Phénix gardien de la nature. Leur alliance de légendes, inédite entre Chine, Corée et Japon nous plonge dans la nostalgie d’une nature idéale préservée par les esprits élémentaires.

Sans quitter la Chine, remontons le temps, à bord d’un chariot mené par un vieillard, conteur de son état se rendant à la cour de l’empereur, pour distraire sa dernière épouse. Mais qui est vraiment ce conteur, et comment faire vivre les personnages des contes.

Traversons les mers pour arriver au Japon, où nous attend Hikari jeune fille nostalgique d’un pays qui a abandonné ses traditions. Elle va rencontrer Léonie, vieille femme parisienne, perdue dans ce pays si différent. Toutes deux vont nous conduire dans une forêt enchantée où l’apparence du mal va les conduire à une compréhension mutuelle.

Un saut dans l’espace et le temps vers la péninsule indochinoise et le Cambodge. Voyage vers le futur avec un french doctor au Cambodge. Dans cette région d’où sont venues quelques pandémies, ce médecin va nous guider à travers la jungle pour retrouver son patient zéro, un jeune enfant que sa famille ramène à son village avant qu’il n’ait pu le soigner. Au cœur de cette nouvelle, jusqu’où l’être humain appartient-il à la nature, lui qui voulait la posséder.

C’est une toute autre Asie que le Bhoutan, sur le toit du monde. Suivons Sherab, jeune fille à la poursuite du migoï qui a tué son frère. Accompagnée par un takin, mi chèvre mi vache, qui lui est en quête de ses origines, elle va croiser un corbeau, émissaire des dieux. Tous les trois vont nous mener sur le toit du monde pour affronter le migoï.

Redescendons un peu vers les plaines de Mongolie en compagnie de Simon, enfant de mongols, réfugiés climatiques. Simon se rend à Oulan Bator pour le compte de l’Organisation Mondiale de Préservation du Climat. Est-ce vraiment un hasard pour un enfant de la steppe qui parle aux animaux ?

Plus au sud, nous retrouvons la Chine au pied de la muraille qui protège l’empire des assauts de la sylve, nature sauvage issue des arbres. C’est Xiu, une automate de cour qui nous guide dans les pas de son jeune maître Luo Jian. Dans la confrontation de la nature et de l’homme, Xiu va trouver sa place et reconnaître ses origines, ses mystères et trouver sa voie singulière.

C’est la péninsule coréenne qui nous appelle ensuite. La Corée du Nord tout d’abord où nous pénétrons clandestinement en 2068 pour rencontrer Yong Sim-bin, président de la commission des sciences. Celui-ci est en charge du projet Cyborg pour le compte du président Kim No-bang, futur éternel leader. Sommes-nous certains que tout se passera bien ? La nature humaine prendra-t-elle sa revanche ?

Franchissons la ligne de démarcation pour nous rendre en Corée du Sud, accompagner Eddy exilé nano-booté ébloui au pays de la technologie triomphante. Le développement extraordinaire des nanotechnologies a produit des effets secondaires inattendus sur l’environnement et les humains. Le combat entre la nature transformée et les nano-humains fait rage. Monstres contre monstres, choisissez votre camp.

Cap au sud vers l’Indonésie à bord de La perle perdue, goélette du capitaine Kus. Une équipe de géologues français est à bord, mandatée par EDF pour étudier la possibilité d’implanter des éoliennes. Mais est-ce vraiment la raison de leur présence ? Les habitants en doutent. Et dans ce pays ou les forces naturelles et les peuples autochtones sont fortement liés, qui sait ce qui peut arriver.

Nous remontons vers la péninsule indochinoise en passagers du fleuve Mékong Mère de tous les fleuves. La terre est devenue inhabitable et les humains vivent dans des cités souterraines. Mei notre guide est chargé d’une mission à la surface à bord d’un aéroglisseur pour vérifier que la baisse de radioactivité constatée dans les eaux du fleuve pourrait augurer d’une possibilité de vivre à la surface. Au fil de leur remontée du fleuve, la vie animale et végétale semble avoir repris, des cultures organisées apparaissent. Mais qui est responsable de ces cultures ?

Nouveau détour en Corée. Ici aussi les habitants vivent sous terre, mais nous allons suivre Young Jae, jeune chasseur qui parcourt le monde extérieur. Accompagné d’une jeune sorcière mudang, Seo hyun, il est envoyé à la chasse aux esprits. Mais quel esprit hante encore la jungle, tolérera-t-il la présence des chasseurs ? Et que peut faire un chasseur contre les esprits ?

Pour finir notre voyage, gagnons le Viet Nam. C’est un chapeau qui nous servira de guide. Ce chapeau est posé sur la tête de Linh, que sa mère a chargé de restituer à son frère des souliers qu’il a oubliés lorsqu’il est parti chercher du travail chez son oncle. Le périple ne sera pas sans embûches, mais notre chapeau communique avec les esprits, et grâce à sa malice embarquons ensemble pour ce voyage plein de fantaisie.

Et voilà, le voyage est terminé, j’espère que vous y prendrez autant de plaisir que moi, et reviendrez de temps en temps y grappiller quelques images pour prolonger la magie.

Les Gardiens d’Erûsarden- Glace – Alexandre Vaughan

Où en sommes nous ?

Quatre ans après la bataille de Cersamar et l’explosion de L1, le monde d’Erûsarden a bien changé. Un hiver de nuages volcaniques s’est abattu sur l’hémisphère Nord et le baron Oeklos est devenu l’empereur dominant quasiment la planète directement, ou à travers les quelques états vassaux qui ont gardé un semblant d’indépendance.

Les protagonistes

Nous retrouvons les personnages des précédents romans. Aridel, vainqueur de la bataille de Cersamar mais vaincu par le poids de sa culpabilité, toujours accompagné de Daethos le Sorcami. Shari essayant d’organiser une résistance clandestine en Sûsenbal avec le général Takhini. Lanea et Djashim à la tête du mouvement de résistance des mages, espionnant l’empereur qui a installé sa capitale en Dafashûn. Itheros, prisonnier de Delia en Omirelhen. Chinir à la tête de la résistance Sorueni.

Un nouveau personnage capital apparaît. La capitaine Imela surnommée Lame-Bleue, qui symbolise la résistance de la marine Dûeni et dont le navire « Le Fléau des mers » pratique avec succès la piraterie aux dépens de la flotte d’Oeklos.

Et encore, Taric ancien mage passé à la clandestinité, Demis second de Lame-Bleue, Orin jeune Dueni attaché à Shari. Ayria jeune courtisane et espionne à la cour du comte de Samar.

Et puis, des pirates, des nains, des soldats et enfin le « Dieu Erû » dont l’ombre plane sur tous les évènements, passés, présents et futurs.


Des histoires dans l’histoire

L’histoire d’Erûsarden qui semblait depuis plusieurs siècles évoluer lentement s’est accélérée depuis l’alliance d’Oeklos avec les Sorcami. Voilà Oeklos empereur et semblant dominer sans opposition véritable dans un monde dévasté. Sur cette toile de fond planétaire, nos personnages tentent, chacun de son côté, d’agir sans réellement avoir de prise sur les évènements. D’aventures en avatars, de découvertes en révélations, c’est par petites touches que nous explorons avec eux la richesse du monde, l’ampleur de la dévastation, la complexité des peuples et la trame tissée de légendes, de mystères, d’intrigues, de batailles qui font la richesse de ce monde.
L’aventure principale que nous propose Glace est contrairement aux deux précédents romans de la série, centrée sur la mer, avec la personnalité d’Imela, Lame-Bleue, la capitaine du « Fléau des mers ». Un voyage maritime, ou nos héros vont croiser des pirates, mener un raid terrestre, affronter la banquise pour débarquer sur des terres gelées à la rencontre de nains gardiens des secrets d’Erû.

Menées tambour battant, ces aventures s’entrecroisent avec les luttes clandestines des résistants de Dafashûn et de Sorûen tentant de secouer le joug d’Oeklos.

Comme dans le roman précédent, la prophétie d’Oria et les relations entre les humains et les Sorcami transparaissent en filigrane au fur et à mesure des révélations.

Mon Avis

Troisième volet de la tétralogie des Gardiens d’Erûsarden, Glace marque le début d’une nouvelle étape. Dans Lumière et Poussière, nous avons découvert la planète Erûsarden à l’aube d’un bouleversement. Dans Glace, le bouleversement a eu lieu, et nos protagonistes donnent l’impression de se battre pour rétablir l’ordre ancien.
Est-ce vraiment si simple ?

Chacun des personnages est confronté à ses propres démons et à son passé. S’ils paraissent parfois subir les évènements, ils n’en restent pas moins acteurs et leurs choix parfois contraints et déchirants en font des individualités attachantes.

Le lecteur a le choix de s’attacher à l’un ou l’autre. L’auteur, même s’il met dans ce roman la personnalité d’Imela en valeur, n’en fait pas le personnage principal et nous laisse le choix de nos préférences.

En conclusion, ce roman sans temps mort nous fait vivre des aventures palpitantes à la découverte de la planète Erûsarden. Nous en savons beaucoup plus et cependant le mystère est loin d’être dissipé et c’est avec une certaine impatience que nous attendons la suite.

Comme dans les autres livres du monde d’Erûsarden, celui-ci est accompagné de cartes et d’une chronologie à consulter sans modération au cours de la lecture.
Il est disponible Ici en version papier ou numérique.

Quand vous l’aurez lu, si vous êtes impatients de connaitre la suite, vous pouvez d’ores et déjà lire le prochain volume Tempête qui parait en feuilleton à partir du premier chapitre Ici.

Le Silence De La Cité – Elisabeth Vonarburg

Après Chroniques Du Pays Des Mères, paru en 2019, les Editions Mnémos ont eu la bonne idée de rééditer Le Silence De La Cité préquel des Chroniques. J’ai eu la chance de le lire dès sa parution.
Ce livre se passe quelques siècles avant les Chroniques, et a été écrit avant celles-ci. Il peut se lire indépendamment, et pour ma part j’ai apprécié de le lire après sa suite.
Les éléments communs à ces deux romans sont essentiellement le décor, terre ravagée par une apocalypse écologique et/ou nucléaire, humanité sujette à des mutations plus ou moins délétères, déséquilibre des naissances cinq filles pour un garçon. On devine aussi les liens avec des personnages et évènements des Chroniques, les Mauterres, la Déesse Elli, Les Juddites, ce qui ajoute du plaisir à sa lecture.
Le livre raconte l’histoire d’Elisa, dernière née d’une fraction de l’humanité, dépositaire des dernières avancées technologiques et scientifiques, réfugiée dans des « Cités » créées par les élites séparées du reste des humains. Il est divisé en quatre parties, que l’auteur n’a pas nommées, je leur donne un titre pour faciliter la lecture.

Cité

Elisa est une enfant, petite fille seule, dans un monde clos, La Cité, peuplée de quelques adultes et d’hommes-machines, les ommachs. Elle est élevée par deux hommes, Grand-Père et Paul.Paul qu’il lui arrive d’appeler Papa. Elle possède des facultés peu ordinaires. Elle peut se régénérer si elle est blessée, et elle ressent les émotions des autres humains.
A mesure qu’elle grandit, elle se rend compte qu’elle n’est pas la fille de Paul, qui deviendra son amant, mais le résultat d’un projet que Paul a élaboré pour reconstruire l’humanité à sa manière.

Hors les murs

Elisa, qui est devenue Hanse après sa transformation en homme, a parcouru le monde en compagnie d’un ommach pour mettre un terme à la civilisation des cités, elle arrive dans une communauté ou les femmes sont complètement soumises aux hommes. Elle décide d’intervenir et ce faisant se retrouve une nouvelle fois confrontée à Paul.

Communauté

Elisa est maintenant de nouveau une femme, elle n’a pas osé détruire la cité et utilise parcimonieusement ses ressources pour reprendre le projet de Paul, en créant une communauté d’enfants ayant les mêmes capacités qu’elle et qui en grandissant pourront se mêler au reste de l’humanité.

Humanité

Les premières générations d’enfants de la communauté vont atteindre l’âge adulte, et Elisa va devoir les laisser partir et entrer en contact avec le reste de l’humanité, ce n’est pas si simple, et comment l’extérieur a-t-il déjà évolué?


Lectures

Le silence de la cité est une histoire totalement subjective. C’est l’histoire d’Elisa, racontée par Elisa. Elisa, enfant qui ne découvre que ce que Paul veut bien lui laisser voir. Elisa, adolescente sous l’emprise de l’amour de Paul qui l’entraine dans son projet démiurgique. Elisa/Hanse, jeune homme qui veut libérer l’humanité. Elisa, mère qui emprisonne ses enfants sans s’en rendre compte. Elisa, adulte enfin qui se reconnait dans la liberté des différences.
Dans le parcours d’Elisa, Elisabeth Vonarburg aborde des thèmes qui nous paraissent d’actualité car ils traversent toutes les époques. Les expériences de Paul et des autres occupants de la cité touchent au domaine du transhumanisme et de la toute puissance de la technologie, les pouvoirs extraordinaires d’Elisa et de ses enfants questionnent les notions de genre et de représentation. Le déséquilibre des naissances et les mutations posent les réflexions sur les inégalités de toutes origines.
Elisabeth Vonarburg, comme à son habitude nous offre une histoire sensible, avec de nombreux niveaux de lecture, elle ne démontre rien, laissant au lecteur la liberté de comprendre.
On s’attache à Elisa qu’elle a su rendre humaine, plus qu’humaine et chacun.e est libre d’imaginer le chemin qui mènera du Silence De La Cité au Pays des mères.


Autres Avis

RSF BLOG , L’épaule d’Orion, Nevertwhere, Le monde d’Elhyandra

Vers les étoiles – Mary Robinette Kowal

U-Chrono-Topie

Cette uchronie démarre en 1952 par la chute d’une gigantesque météorite au large de Washington, détruisant une grande partie de la côte est des états-unis et menaçant la terre d’un réchauffement cataclysmique.

Ce premier volume de l’histoire d’Elma York, « Lady Astronaute » s’achève en juillet 1958 sur le chemin de la marche vers les étoiles d’une héroïne résolument optimiste et volontaire.

Singularité

L’histoire est racontée à la première personne par Elma York, ces choix, écriture et personnage, permettent tout au long du roman de conjuguer par petites touches la vie d’Elma et l’histoire en marche. Elma, ingénieure et pilote, est calculatrice mathématicienne du NACA (comité aéronautique), son mari Nathaniel en est un des responsables. La chute de la météorite à laquelle ils assistent depuis un chalet dans les monts Poconos à l’abri de la catastrophe permet à Elma d’en évaluer très rapidement les conséquences et les placent elle et Nathaniel au cœur des évènements.

Elma, en dépit de son parcours atypique et de ses capacités exceptionnelles, est une femme de son époque dont la place dans la société est limitée par la vision masculine qu’elle a elle-même intériorisée et qui la paralyse dans des moments cruciaux.

Si cette situation est source de frustration, elle s’en accommode volontiers ne se sentant pas légitime d’attendre autre chose. Le jeu permanent entre les évènements et la façon dont elle les ressent nous permet de l’accompagner dans son chemin vers la prise de conscience des limitations imposées aux femmes qui travaillent avec elle et a fortiori à elle-même. Ses rencontres ajoutent encore à sa frustration en comprenant que c’est encore plus difficile pour les femmes noires et découvrant le racisme qui imprègne la société américaine abordant ce thème dans le même registre que le film « Les figures de l’ombre » .

La singularité de la narration tient à la fois, de l’écriture qui aborde ces thèmes à partir du registre intime et sans agressivité, et de la façon dont Elma va résoudre les difficultés en s’assurant de la collaboration de tous et toutes à l’exception notable du « vilain de l’histoire » Stetson Parker.

Objectif Lune

Ce premier tome est l’histoire d’une marche accélérée vers les missions lunaires d’une humanité qui doit assurer sa survie à la suite de la catastrophe écologique provoquée par la chute d’une météorite. Contrairement à notre histoire, cette histoire alternative n’est pas celle d’une compétition acharnée. Pour Elma la collaboration est la clef qui permet d’ouvrir toutes les portes et même si elle est la figure de l’héroïne qui franchira tous les obstacles pour devenir « Lady Astronaute » ce sera toujours « With a little help from her friends ».

Minutieusement décrit, solidement documenté, le roman reprend l’histoire de la conquête spatiale, avec des personnages connus et d’autres injustement méconnus de notre réalité sans oublier des figures politiques tel Martin Luther King. La partie Hard SF s’intègre sans heurts au fil de l’histoire. Les prouesses aéronautiques, la rigueur de l’entraînement des astronautes, la complexité des calculs orbitaux, la dimension relations publiques des missions, tout cela renforce le réalisme de cette fiction scientifique qui aurait pu se produire si…

Humanité en marche

Sans préjuger des prochains romans de la série, ce premier volume enthousiasmant nous introduit dans une réalité alternative qui nous fait revivre le rêve des étoiles et d’une humanité retrouvée à l’occasion d’une catastrophe, même si la tentation du pire n’est jamais loin, à voir certains militaires tenter d’attribuer à l’URSS l’origine de la chute de la météorite.

Ce monde, devant les difficultés se rassemble pour chercher une solution, sans super héros, marche après marche. Elma, actrice et témoin de l’histoire nous pousse à l’optimisme, et le réchauffement climatique accéléré qu’elle décrit dont les conséquences permettent à son monde de se mobiliser, n’est pas si loin de celui qui nous attend, l’espoir est là, qu’en ferons nous ?

PS – critique à lire sur Le culte d’Apophis.

Loué soit l’exil – Vonda N. Mc Intyre

De la SF sans compromis

Paru en 1975, ce premier roman de Vonda Mc Intyre, situé dans le même univers que « Le serpent du rève », qui emporta les prix Hugo, Nebula et Locus en 1979, a été édité en France dans la collection Titres SF dirigée par Marianne Leconte en 1980 et n’a pas été réédité depuis.
Il faut espérer qu’un éditeur s’en empare car c’est un roman qui reprend de nombreux thèmes de la SF des années 1970 avec une approche originale et une histoire racontée au ras des personnages tissant leur évolution dans la trame de l’action.

Le décor

Un univers ou la civilisation humaine s’est déployée en abandonnant la Terre dévastée par une catastrophe nucléaire. Sur cette terre, radioactive, peuplée principalement par des nomades, il reste une ville appelée Centre, une ville abritée des radiations dans une grotte immense, contenant des enclaves sous dômes, chacun de ces dômes gouverné par une famille ayant l’exclusivité sur une fonction nécessaire à la survie (énergie, culture hydroponique…). En dehors des dômes, le Palais de Pierre du Seigneur Blaisse, qui contrôle le spatioport et reste le seul point de contact entre la Terre et la civilisation développée par la diaspora La Sphère.

Le spatioport qui est inaccessible pendant la saison des tempêtes est en dehors des grands courants d’échange de La Sphère et ne reçoit que des vaisseaux de secondes zone, pirates, contrebandiers et autres flibustiers.

Les habitants de Centre en dehors des dômes et du palais vivent dans des conditions misérables et tirent principalement leurs revenus de l’esclavage et d’activités illégales.

Les personnages

A l’instar de nombreux romans de ces années 1970, les personnages ne sont ni des héros ni des anti-héros. Déroutants, attachants, ils ne recherchent ni le pouvoir ni la gloire mais simplement à s’extraire des situations inextricables où leur naissance et les circonstances les ont plongés. La continuité du récit est assurée à travers quatre protagonistes principaux, par ordre d’apparition.

Jan Hikaru

Originaire de la planète Koen, planète de rêve écologique, il parcourt la galaxie en quête d’un sens à donner à sa vie. Durant son voyage, il a rencontré une vieille navigatrice aveugle qui voulait retourner sur sa Terre natale, ce qui l’a mené à chercher un des rares vaisseaux pouvant l’y conduire.

Mischa

Jeune fille habitant Centre, vivant de ses talents de voleuse, elle cherche à quitter la Terre et à rejoindre la Sphère avec son frère artiste Chris, toxicomane. Elle possède un pouvoir tél-empathique familial qui lui sert dans son activité de voleuse mais permet à son oncle de l‘asservir à travers le lien qui l’unit à sa sœur qu’il contrôle par la douleur.

Madame

Intendante du Palais de Pierre du seigneur Blaisse, Madame est une esclave sans nom qui n’existe que pour le service du Palais. Esclave de naissance dans une société fermée, n’ayant même pas de nom elle ne vit qu’à travers son rôle d’intendante sans espoir de changement.

Hypo-Deux

C’est un Pseud, co capitaine d’un vaisseau atterrissant sur la Terre en pleine saison des tempêtes. Hypo-Deux et Hypo-Un liés entre eux par un lien biomécanique artificiel, sont le résultat d’une expérience d’éducation conjointe de deux enfants dans un environnement clos. N’ayant aucun lien génétique, ils sont tous deux dotés de capacités physiques hors du commun. Ce sont des proscrits arrivant sur Terre pour s’y constituer leur propre domaine, par la force si nécessaire.

Thématiques

Une terre post-apocalypse, une civilisation humaine répandue dans la galaxie, une ville souterraine aux décors improbables, des mutants télépathes, une société dystopique esclavagiste, des pirates de l’espace, des manipulations génétiques, des cyborgs …

La multiplicité des thèmes abordés et l’angle utilisé pour aborder ces thèmes au plus près des personnages font de ce livre un authentique voyage ou l’imagination du lecteur est sans cesse sollicitée pour compléter les espaces vides volontairement laissés par l’auteure.

Pour finir

Ce court roman, 300 pages seulement, est impossible à résumer. Le récit principal est axé sur la volonté de Mischa d’échapper à son destin et à rejoindre la Sphère. C’est à travers ses aventures que les chemins des autres protagonistes vont se croiser. Les intrigues entremêlées et la pluralité des situations laissent une grande place à l’imagination du lecteur. Le rythme de la narration se rapproche des meilleures séries de SF et l’on n’est pas étonné de découvrir que Vonda Mc Intyre a écrit des romans tirés des séries Star Trek et Star Wars. Au fur et à mesure de la lecture on se prend à rêver d’une série basée sur ce roman, la matière est là, qui osera se lancer.

Les Gardiens d’Erûsarden- Poussiere – Alexandre Vaughan

Omirelhen et la république de Niûsanif sont désormais protégés des attaques célestes d’Oeklos. Les armées de celui-ci restent puissantes et il contrôle à présent le reste du continent de Sorcasard. Son ambition est intacte et ce n’est qu’une question de temps avant qu’il ne cherche à étendre son Empire.

Exilé depuis près de dix ans, Domiel a décidé de regagner Dafashûn, le royaume des mages sur l’île continent de Lanerbal. Il espère convaincre le conseil des mages de soutenir Omirelhen dans la lutte contre le baron Oeklos qui utilise la magie des anciens dans sa guerre de conquête.

Karma. Aridel le mercenaire, de son vrai nom prince Berin, descendant de la dynastie de Leotel, regagne Omirelhen pour se réconcilier avec son destin. Shari l’accompagne, préoccupée par la puissance d’Oeklos et troublée par la prophétie d’Oria retrouvée par Domiel.


Léotel, roi d’Omirelhen n’est pas là pour les accueillir, il est victime d’une maladie soudaine. Delia, la sœur d’Aridel, assume la régence. Shari et Aridel, inquiets, insistent pour rencontrer le roi qui leur confie la mission de se rendre dans l’archipel de Sûsenbal afin de former une alliance avec l’empereur contre Oeklos et s’assurer ainsi la maîtrise des mers.

Oubliant son passé, Djashim le gamin des rues, se trouve à bord du Tigre Blanc, navire amiral de la marine de Niûsanif, au poste d’aspirant. Son navire attaqué, il va être recueilli par le Dragon des Mers sur lequel il retrouve Domiel en route vers Dafashûn.

Sorcamis. Daethos, Shaman Sorcami, est impatient de rencontrer Itheros, le Ûesakia de Sorcamien, réfugié en Omirelhen après la prise de pouvoir d’Oeklos. Ils restent désormais les seuls à espérer rétablir la paix entre les Sorcamis et les Humains. La prophétie d’Oria est au cœur de leurs conversations.


Deuxième volet de la tétralogie des Gardiens d’Erûsarden, Poussière reprend l’histoire dErûsarden aussitôt après la fin de Lumière. Quittant le continent de Sorcasard, nous allons suivre les protagonistes dans leur combat contre le baron Oeklos.

D’un côté Shari, Aridel et Daethos à travers les mers jusqu’aux îles orientales de Sûsenbal, nous font découvrir le palais impérial de Susenbhin et ses intrigues, jusqu’à une destination qu’ils ne soupçonnent pas encore.

De l’autre côté Domiel et Djashim, accompagnés de Lanea, l’amour de jeunesse de Domiel vont chercher à contrer la source de la menace qu’Oeklos fait peser sur le royaume de Dafashûn pour l’empêcher de se joindre au combat. Pour cela ils devront trouver la clé de la cité légendaire des anciens dans les montagnes des Lanerpic.

Ces personnages mus par leur volonté de combattre Oeklos et guidés par d’étranges rêves et la prophétie d’Oria prennent de plus en plus d’épaisseur au fil des pages et nous suivons leurs aventures et leurs évolutions sans percer le mystère d’Erûsarden.

Car, du mystère il y en a, dans ce monde d’Erûsarden où la science des anciens se confond avec la magie des légendes, où les prophéties semblent se réaliser comme des prévisions, où les hommes sauriens, les sirènes et les nains, créatures mythiques, sont issues de transformations d’apprentis sorciers, et où les mages sont les dépositaires d’artefacts mécaniques et électroniques.

Comme dans les autres livres du monde d’Erûsarden, celui-ci est accompagné de cartes et d’une chronologie à consulter sans modération au cours de la lecture.
Il est disponible Ici en version papier ou numérique avec son Trailer vidéo.

Quand vous l’aurez lu, si vous êtes impatients de connaitre la suite, vous pouvez d’ores et déjà lire le prochain volume Glace qui parait en feuilleton à partir du premier chapitre Ici.

La vague montante -Marion Zimmer Bradley

Cette novella parue en février 1955 dans « Fantasy and Science Fiction » est un cas à part dans la production de l’époque. L’ayant lue dans les années 1970 dans l’anthologie « Après … la guerre atomique » de Charles Nuetzel, je me souvenais que ce texte m’avait marqué par sa différence, mais je n’en gardai qu’un souvenir diffus.

A l’occasion de sa réédition en octobre 2019 par les éditions « Le Passager Clandestin« , j’ai eu envie de le relire. C’est une novella donc un format facile et rapide mais qui ne permet pas un développement profond du contexte et des idées, et pourtant…

L’histoire, classique dans le genre, est celle du retour de descendants d’une expédition interstellaire, ayant colonisé une planète isolée, qui arrivent après cinq ans de voyage sur une terre qui ne ressemble en rien à ce qu’ils avaient imaginé.

Le protagoniste principal, le capitaine Brian Kearns, espère trouver une planète que les avancées scientifiques et la conquête de l’espace auraient transformé en paradis technologique. A sa grande surprise, ils trouvent une société pastorale d’ou la technologie est absente…

Plus de soixante ans après, le thème du livre trouve des échos étranges dans nos débats actuels sur la décroissance. Découvrant avec Brian Kearns, qui semble la rejeter, le fonctionnement de cette société « utopique » nous n’avons que peu d’informations sur les événements qui ont conduit à la transformation d’une société de production et de consommation de masse en une société de petites communautés ou les individus semblent totalement autonomes.

Sans dévoiler le « twist » final, il faut reconnaître que Marion Zimmer Bradley nous propose ici une solution originale aux problèmes posés par le progrès sans limites, avec une certaine naïveté et en occultant le chemin qui y mène. Les questions du rapport entre l’individu, sa communauté, la nature et l’ambition de l’humanité sont bien posées et leurs réponses donnent à rêver dans leur simplicité(isme). C’est bien l’objet de la SF en tant que littérature de l’imaginaire.

Bonne lecture

Trop semblable à l’éclair – Ada Palmer

Ada Palmer - Trop semblable à l'éclair

Utopie, vous avez dit utopie?
Dans le cycle de « Terra Ignota » Ada Palmer renoue avec une science-fiction prospective nourrie par sa perspective d’historienne.

2454, il n’y a plus de conflits armé, la société est une société d’abondance, les nations ont disparus, chacun est libre d’adhérer ou non à une « Ruche », au nombre de sept, elles ont remplacé les états nations tombés en désuétude et réduits à leur folklore historique, la famille nucléaire s’est éteinte, remplacée par le « Bash » groupe familial d’un nombre variable d’adultes élevant des enfants issus ou non des membres du groupe.
Tout ceci a été rendu possible par les progrès techniques, dont un élément central du livre, le système « Mukta » transport individuel par des véhicules rapides pilotés par un système centralisé.
L’opposition de genre masculin/féminin a disparu, symbolisée par l’utilisation par le narrateur en VO du « Singular they » traduit en français par « on » ou « ons » pour les besoins du lecteur contemporain.
Les religions organisées sont interdites mais la spiritualité, voire la théologie sont encouragées sous la supervision des « Sensayers ».

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ?
Ce n’est pas certain, et notre guide Mycroft Canner, Mycroft en hommage à Sherlock Holmes, condamné à être un Servant pour le reste de son existence, suite à des crimes qui seront révélés au court du récit, va nous faire découvrir cette société si étrange, plongeant au cœur d’une enquête sur une machination médiatique, le vol d’une liste des dirigeants les plus populaires, on va comprendre son importance au fil du livre.
Nous voilà, tel Watson accompagnant Holmes, découvrant les indices au fur et à mesure de l’avancement de l’intrigue. Chaque nouvelle découverte ajoutant à notre perplexité tout en nous en apprenant de plus en plus sur ce monde étonnant.

On, Ons, Mycroft, tout en insistant sur le politiquement correct des formes neutres, continue à utiliser les genres dans ses descriptions des protagonistes.
L’écriture du livre est déroutante, d’ailleurs notre narrateur nous prévient dès la première page qu’il choisit une langue ancienne, celle du « Siècle des lumières » pour conter son époque qui emploie d’autres langues et d’autres formes. Tout au long de la narration, Mycroft se permet des apartés, adresses ou même suppliques au lecteur pour qu’il lui accorde son pardon pour les libertés de ton qu’il s’octroie.
On trouvera de nombreuses références à Voltaire dit Le Patriarche, Diderot dit Le Philosophe, Rousseau, Sade et autres représentants des Lumières.
En dépit de ces références, le monde que nous parcourons, très rapidement grâce au système de transport « Mukta » n’est pas centré sur l’Europe et intègre toutes les cultures.

Politique.
La disparition des états nations et des blocs politiques classiques a laissé place à de nouveaux rapports de force. Les sept « Ruches » ont chacune leur point fort, population, foncier ou revenu. Ces rapports de force évoluent constamment et le succès populaire de chaque ruche est mesuré par la liste des sept/dix qui est publiée et commentée régulièrement, chaque journal ou groupe la publiant a sa propre version, et ces différentes versions influencent les rapports de force entre les ruches.
Les dirigeants des ruches, par souci de stabilité, se rencontrent régulièrement pour que les variations soient minimes et que l’équilibre des forces soit maintenu. Le vol d’une liste avant sa publication provoque une crise qui conduit les dirigeants à diligenter l’enquête à laquelle participe Mycroft.

Instabilité.
Au milieu de la multitude des personnages que rencontre Mycroft, la plupart faisant partie des dirigeants de la planète, du « Bash » gérant le « Mukta » ou des enquêteurs, trois personnalités atypiques émergent.
Le premier, Bridger est un enfant dont l’origine nous reste inconnue, possédant des pouvoirs quasi divins, accompagnés de son armée miniature, et dont l’existence n’est connue que de Mycroft et de certains membres du « Bash ».
Le deuxième est le fils du dirigeant de la Ruche Macon, J.E.D.D. Maçon, apparemment capable au moins de lire dans les esprits mais dont les capacité réelles nous sont inconnues.
Le troisième, que nous découvrirons plus tard, fut le complice de Mycroft pour les crimes qui lui ont valu sa condamnation.

En conclusion.
Résumer ce livre est une gageure, le « Worldbuilding », la multitude de personnages, les strates superposées des intrigues, les fondements philosophiques et historiques en font un livre difficile. Il faut parfois revenir en arrière pour relier les trames.
Je reprend l’analogie avec le Dr Watson qui accompagne Sherlock dans ses enquêtes. C’est ce plaisir d’essayer de comprendre la richesse des énigmes et la façon de les résoudre qu’Ada Palmer nous propose, qui donne tout son sel à ce premier tome. Un véritable jeu de piste avec des culs-de-sac, des impasses, des illuminations soudaines, et pour finir un véritable « Cliffhanger » qui donne envie de lire la suite le plus rapidement possible.


La survie de Molly Southbourne – Tade Thompson

Molly est morte, Molly est vivante, la maison est en flammes.
Un numéro de téléphone tatoué sur le bras pour un appel au secours.
« La survie de Molly Southbourne » reprend le fil de l’histoire commencée dans le premier volume, avec une Molly ensanglantée, désorientée, contemplant la maison en flammes.

Ons sont venus, ont effacé les traces, nettoyeurs de l’ombre, protecteurs et menaçants. Je suis seule à nouveau, seule avec mes Molly intérieures qui hantent mes rêves, reconstruisent mon passé, me font sombrer dans la folie.

La survie, mais pas seulement. Dans cette deuxième novella, Tade Thompson nous convie au voyage intérieur d’une Molly nouvelle-née à la recherche de ses origines et aux prises avec un passé qui ne lui appartient pas tout à fait. Elle n’est plus seule.

La galerie des personnages s’enrichit. James, bien sur est toujours présent, phagocyté par sa rencontre avec Molly. Tamara(s), ombre parmi les ombres, sauront-t-elles éclairer le chemin de Molly. Vitaly en dépositaire des secrets de son passé est-il un ange ou un démon?

Yin et Yang, entre voyage intérieur immobile et action violente, le chemin de notre nouvelle Molly continue à explorer la psyché du monstre dans lequel sommeille l’humanité.

Bonne lecture

PS – critique à lire sur Le culte d’Apophis.

L’empire du silence – Christopher Ruocchio

Premier volume d’une saga qui en comportera au moins quatre, « L’empire du silence » nous introduit dans un univers de Space Opera matiné de Fantasy digne des plus grands. Les références à Dune de Frank Herbert, à la saga de Vorkosigan de Lois McMaster Bujold pour le côté SF et au Nom du vent de Patrick Rothfuss pour la Fantasy ont été évoquées dans de nombreuses critiques du livre. Il n’est nul besoin de connaitre ces références pour l’apprécier, la forme comme le fond relèvent d’une originalité qui rendent ce premier tome du cycle du « Dévoreur du soleil » un livre à la fois singulier et familier aux amateurs du genre.

Spoiler. Dès les premières lignes, l’auteur nous dévoile le destin d’Hadrian Marlowe qui est à la fois le protagoniste principal et le narrateur. C’est lui qui va nous raconter son histoire, sous une forme alternée de chroniques et de confessions. Tout au long de ce premier volume le récit va alterner entre la naïveté du jeune Hadrian Marlowe qui vit les événements au jour le jour et le point de vue rétrospectif du dévoreur de soleil qu’il est devenu. Cette perspective a posteriori nous permet de découvrir cet univers complexe et les différentes composantes qui s’y confrontent.

Contexte Galactique

L’humanité, après qu’une guerre impliquant les Mericanii et leurs machines pensantes a ravagé la terre, s’est répandue depuis dix-sept millénaires dans cinq bras de notre galaxie. L’entité politique la plus importante est l’Empire Sollien qui représente la moitié des mondes colonisés et est divisée en quatre primarcats. Les autres représentants de l’humanité forment des ensembles plus réduits voire des micro-états.
La guerre en détruisant la terre et impliquant des machines pensantes a engendré une religion dont la terre d’origine est la divinité, l’humanité, la race élue, et qui proscrit toute utilisation de techniques s’apparentant à des machines intelligentes. Cette religion, la Fondation domine tout l’empire et l’empereur lui-même y est soumis. La chasse aux hérétiques est une composante primordiale de la Fondation à travers l’inquisition qui s’impose à tous les autres pouvoirs.
Du fait de l’absence de machines intelligentes, l’empire a créé un ordre monastique de savants, chercheurs et théoriciens, les Scholiastes.
L’Empire, au nom de l’humanité entière est en guerre contre une race non humaine, les Cielcins, peuple extraterrestre nomade, voyageurs de l’espace que la Fondation veut exterminer.

Planètes

Delos est la planète d’origine d’Hadrian, une des plus anciennes planètes terraformées. Elle est dirigée au nom de l’Empire par la famille Kephalos et divisée en préfectures dont la préfecture de Meidua dirigée par l’archonte Alistair Marlowe époux de Liliana Kephalos, parents d’Hadrian.
Emesh est la planète où il atterrit après son premier voyage, elle est dirigée par Lord Balian Mataro. . C’est une planète pauvre récemment intégrée à l’empire. Elle possède une espèce indigène les Umandhs et recèle des ruines d’un antique civilisation disparue.

Hadrian

Hadrian est le fils aîné et l’héritier présomptif de l’archonte Marlowe, il a été éduqué par Tor Gibson, scholiaste qui sert la famille depuis plusieurs générations et qu’il révère comme un modèle. Comme tous les nobles il a bénéficié d’améliorations et de sélection génétiques lui octroyant entre autres une immunité contre les maladies et une longévité exceptionnelle. Il a un jeune frère Crispin et soupçonne son père de destiner la succession à celui-ci. Jaloux et pourtant son rêve est de parcourir l’univers comme les héros des récits qui ont enchanté son adolescence et la succession.
Formé à l’usage des armes et à l’administration, il est trop adolescent pour assumer les obligations imposées par son père et sa position et sa jeune rébellion l’entraîne dans un exil forcé pour lequel il obtient le soutien de son précepteur.
Parti sur un vaisseau pour un voyage au long cours dans un caisson cryogénique, il va atterrir sur la planète Emesh où de mendiant à myrmidon combattant les gladiateurs dans les jeux du cirque il finira par rejoindre la cour de Lord Balian et finalement rencontrer les Cielcins.

Tourbillon

De mésaventures en aventures, Hadrian est ballotté par les événements et son destin est forgé par ses rencontres et son entourage. Commençant sur Delos par Tor Gibson son mentor, Sir Felix Martyn son maître d’armes, Kyra une pilote de navette, la galerie de personnages se poursuit sur Emesh. Cat, jeune mendiante qui partage sa vie de vols à la tire et de mendicité, et lui fait découvrir la ville de Borosevo. Switch, Ghen, Siran, Pallino et les autres myrmidons qui combattent à ses cotés dans l’arène du Colosso. Anaîs et Dorian Mataro les enfants de Lord Balian. Valka Onderra xénologue originaire de la Stochocratie de Tavros en dehors de l’Empire, fascinante Valka. Bassinder Lin, officier de sécurité de la légion de l’Empire. Sir Olorin Milta maitre d’armes des principautés Jaddienne et sa lieutenante Jina Azhar.
Dans ce premier volume, nous n’avons pas affaire à un héros, mais à un jeune homme réagissant par instinct à ce qui lui arrive. Le récit à la première personne permet au Dévoreur de soleil de se pencher avec ironie sur cette partie de sa vie. Grâce à sa perspective il donne un sens à ce qui semble n’en avoir aucun et il souligne la jeunesse et la naïveté d’Hadrian.

Perspectives

Ce premier tome est prometteur, il brosse le portrait d’un univers dont nous ne faisons qu’effleurer la complexité. L’auteur a ajouté en annexes, un Dramatis personae qui reprend les personnages principaux, un Index des mondes qui retrace l’histoire de la galaxie jusqu’au moment ou le récit démarre et un Lexique.
Il comporte réellement une fin qui ne laisse aucune frustration mais donne cependant l’envie de connaitre la suite du récit de la vie du Dévoreur de soleil.
Les personnages sont désormais bien en place et nous attendons les prochains tomes des aventures spatiales d’un Hadrian adulte et maître de son destin.

PS – critique à lire sur Le culte d’Apophis.

Le Temps Fut – Ian McDonald

Avec « LE TEMPS FUT », Ian McDonald signe une novella bien loin de tous ses romans. Le thème, l’écriture, les époques et les lieux sont empreints de nostalgie. Ce livre a le charme des anciennes photos sépia. Et pourtant en à peine cent quarante pages nous voyageons dans l’espace(Londres, Le Caire, la Crimée, Nankin, le Suffolk et le Lincolnshire), dans le temps, (de l’époque du brexit à la guerre de Crimée, en passant par la première et la seconde guerre mondiale), dans les livres (qui traversent les lieux et les époques et nous transmettent leurs messages), et dans l’incertitude…

Quatrième de couverture

Bouquiniste indépendant, Emmett Leigh déniche un jour un petit recueil de poèmes lors de la liquidation de la librairie d’un confrère. Un recueil, Le Temps fut, qui s’avère vite d’une qualité littéraire au mieux médiocre… En revanche, ce qui intéresse Emmett au plus haut point, c’est la lettre manuscrite qu’il découvre glissée entre les pages de l’ouvrage. Pour le bouquiniste, tout ce qui peut donner un cachet unique et personnel à un livre est bon à prendre. Il se trouve ici en présence d’une lettre d’amour qu’un certain Tom adresse à son amant, Ben, en plein cœur de la Seconde Guerre mondiale. Remuant ciel et terre – et vieux papiers – afin d’identifier les deux soldats, Emmett finit par les retrouver sur diverses photos, prises à différentes époques. Or, la date présumée des photos et l’âge des protagonistes qui y figurent ne correspondent pas… Du tout.

Voyage dans le temps

C’est par petites touches que Ian McDonald nous convie à ce voyage temporel. Emmett le bouquiniste s’attache à l’histoire de Tom et Ben et grâce à ses relations dans le milieu des historiens de la seconde guerre mondiale retrouve leur trace au Caire. Le mystère s’épaissit lors de sa rencontre avec Thorn dont l’arrière grand-père a connu Tom et Ben. De fausses pistes en évènements étranges à la X-Files en passant par la mécanique quantique, à travers les récits d’Emmett , Tom et Ben, des photos retrouvées grâce à Sharzad, historienne ayant une mémoire absolue des visages, le récit façon puzzle se précise jusqu’à la révélation finale que l’on devinera sans doute.

Le charme ce cette novella doit beaucoup à l’écriture de Ian McDonald qui passe du poétique au trivial puis au tragique, avec des descriptions des lieux et des paysages, des scènes de la vie des personnages et des évènements historiques sanglants, sans jamais s’éloigner de l’intrigue.

Emmett, le personnage principal est bouquiniste, mais le héros de l’histoire est sans aucun doute le recueil de poèmes « Le temps fut », livre qui se transmet à travers les ages et sert de messager entre les personnages.

Bonne lecture.

PS – critique à lire sur Le culte d’Apophis.

Les Gardiens d’Erûsarden – Lumière – Alexandre Vaughan

Sorcasard, le continent où cohabitent les humains, les Sorcami (hommes-sauriens) et les Nains n’a plus connu de conflit d’importance depuis plus d’un siècle. Tout au plus quelques escarmouches entre les seigneurs pour des conflits frontaliers. Ces conflits sans importance permettent à des mercenaires comme Aridel de louer leurs services.

Omirelhen, au sud du continent est désormais un royaume. Leotel, troisième du nom, y règne de son palais dans la cité de Niûrelhin. Shas’ri’a ou Shari, princesse de Sûsenbal, arrive à la cour comme ambassadrice de l’empire des îles orientales. Peu de temps après, un autre visiteur, Itheros, Ûesakia des Sorcami arrive à son tour à la cour.

Rapidement, les événements vont se précipiter. La guerre, déclenchée par le mystérieux baron Oeklos de Setosgad, son armée de Sorcami et son arme magique, s’étend sur Fisihmen et menace de se répandre sur tout le continent. Sortelhûn et Setirhelen son directement menacés.

Contre la menace, le roi Leotel confie à Shari et maître Nidon la mission de trouver comment neutraliser l’arme du Baron, et charge son fils Sunir d’organiser la défense du royaume et préparer une contre offensive par la mer.


Aridel, le mercenaire, après les premières attaques des Sorcami a fui Fisimhen et, accompagné du mage Domiel rencontré pendant sa fuite rejoint l’armée Sortelune pour participer la défense de Sortelhun et Setirehlen.


Menacés de toutes parts, les états de Sorcasard pourront-ils résister à la menace du Baron Oeklos et de de ses alliés Sorcami. Que cherche le baron ? Conquérir Sorcasard, surement, mais s’arrêtera-t-il à la conquète de ce continent ?

Itheros le Sorcami, contraint à l’exil pourra-t-il trouver des alliés parmi son peuple, et, en joignant ses connaissances à celles de maître Nidon, du mage Domiel et de l’ambassadrice Shari , contrer les plans d’Oeklos.


Ce premier volume de la tétralogie des Gardiens d’Erûsarden nous entraîne à la découverte de Sorcasard, de batailles en batailles, sur terre et sur mer. En parallèle nous voilà lancé dans une quête du savoir des anciens, savoir indispensable pour comprendre et contrer la puissance d’Oeklos.

Le roman est construit autour des personnages d’Aridel le mercenaire, Shari la princesse ambassadrice, Sûnir le prince héritier, Domiel le mage, Ithéros le Sorcami, et Djashim l’enfant des rues. C’est à travers leurs yeux qu’il nous fait découvrir le monde d’Erûsarden.

Ces personnages, leurs histoires, leurs cheminements et leurs combats, imprègnent le récit. Leurs joies, leurs peines et leurs déchirements donnent chair aux événements qui se succèdent à un rythme soutenu. Et c’est avec plaisir que nous les retrouverons dans les volumes suivants.

Comme dans les autres livres du monde d’Erûsarden, celui-ci est accompagné de cartes et d’une chronologie à consulter sans modération au cours de la lecture.
Il est disponible Ici en version papier ou numérique..

Mémoires d’Erûsarden – Alexandre Vaughan

Mémoires… en quatre nouvelles, nous allons plonger dans le passé d’Erûsarden et découvrir les événements qui ont forgé les légendes dont se nourrissent les romans. Chaque nouvelle est un jalon de l’histoire du monde extraordinaire d’Erûsarden dont la genèse est suggérée dans le prologue. Nous y découvrirons les habitants, humains, hommes-sauriens, nains, mages, les empires et royaumes qui le composent grâce aux récits des aventures palpitantes de Wicdel, Liri’a, Fresil, Samel et Nemosor.

Hînkon Ardayn

Les terres inconnues, c’est le titre du journal de voyage de Liri’a, une jeune fille qui fuyant mariage forcé, a quitté le continent dErûsard pour se rendre en Sorcasard. Ce journal, datant de trois siècles, va conduire Wicdel, un jeune Sorûeni, que nous avons déjà rencontré dans Le trésor des Sorcami, à la découverte des merveilles de Sorcasard. Alternant entre le récit de Liri’a et les aventures de Wicdel, ponctué de cartes et d’énigmes runiques, nos deux aventuriers nous conduiront de la république de Niûsanif jusqu’au cœur de la jungle dans la fabuleuse cité des mythiques Sorcami, Sorkhoroa.

La guerre des Sorcami

Quelques années après les voyages de Liri’a, nous voilà de nouveau en Sorcasard, en compagnie de Fresil, noble sans terre de l’Empire de Dûen, soldat de l’armée venue conquérir les terres de la péninsule d’Omirehlen, dans une guerre contre les « sauvages » Sorcami. Cette nouvelle reprend le journal de Fresil, relatant la campagne militaire des dûenis contre le royaume Sorcami, jusqu’à la conquète et l’établissement du duché d’Omirelhen.

Les Nains et l’Empire

Quatre-vingt cinq ans après la guerre des Sorcami, l’empire de Dûen a quasiment conquis Sorcasard, divisé en duchés. Les Sorcami conservent le centre du continent à la suite du traité de Niûsanin. Après des années de paix, des nains venus de l’île de Ginûbal viennent de s’emparer de la ville de Leosumar au nord du duché de Sortelhun.
Samel, natif du duché, est un conscrit dans l’armée impériale qui marche contre l’armée des nains. Sorferum est un Sorcami, recueilli par les nains, ayant tout oublié de son passé.
Les combats et les rencontres des trois peuples vont nous révéler l’histoire récente du continent de Sorcasard et nous en apprendre encore un peu plus sur les mystérieux anciens.

Nemosor

Nemosor est un habitant de Dafashûn, le pays des mages, sur l’île continent de Lanerbal. Dafashûn est le pays des mages, gardiens du savoir des anciens. Nemosor, étudiant à l’université de Dafakin va trouver sur son chemin une mystérieuse société secrète qui cherche à utiliser les savoirs interdits qui ont provoqué la chute des anciens et de l’empire mythique de Blünen. Y-parviendra-t-il ?

Ces quatre nouvelles chronologiquement antérieures au Trésor des Sorcami, l’éclairent et l’approfondissent, et sont heureusement complétées par une chronologie de l’empire de Dûen. L’épilogue, éclairant à sa manière cryptique, nous projette vers le futur et introduit le cycle des Gardiens d’Erûsarden. Que de promesses.
Il est disponible Ici en version papier ou numérique..

Le trésor des Sorcami – Alexandre Vaughan

Ce premier roman de l’auteur nous place d’emblée dans un univers de Science Fantasy déjà bien défini avec son histoire, sa géographie, ses habitants humains et non humains dont nous découvrirons les origines tout au long du cycle entamé ici. Ce monde se nomme Erûsarden.

Roman d’aventures de voyages et de découvertes, il nous conte les aventures de Léotel et Padina, à la recherche de Wicdel, un des rares habitants du village à avoir parcouru le monde, et dont les récits constituent une source d’émerveillement pour nos deux jeunes amis. Wicdel dont la disparition mystérieuse décide la jeune Padina à suivre sa trace.

Erûsard, le continent d’où partent nos jeunes aventuriers est principalement constitué par l’Empire de Dûen, un empire de type féodal qui a jadis tenté de conquérir Sorcasard le continent des Sorcami ou hommes sauriens. Leurs aventures vont les mener au pays des mages en Dafashûn puis sur le continent de Sorcasard, leur périple s’achevant en Omirelhen.

Au cours des pérégrinations de nos jeunes héros, nous découvrons la géographie, l’histoire et les peuples qui constituent ce monde. L’auteur sème des indices qui présagent des explications que le lecteur que je suis espère découvrir dans les autres romans de la saga d’Erûsarden.

Tout ceci concourt à la mise en place d’un univers cohérent au fil d’aventures parfois déroutantes mêlant « magie » et « technologie » aux frontières mal définies. Mystérieux dragons volants, prophéties, hommes sauriens, nains, la Fantasy est bien présente sans jamais occulter la science fiction qui reste en filigrane.

Indissociable des romans prenant place dans des environnements féodaux, les luttes entre seigneurs et les batailles épiques de la dernière partie du roman contribuent à faire de ce livre un très bon roman d’aventures accessible à tous les lecteurs de littérature d’évasion.

Original tout en s’inscrivant dans la tradition de la Science Fantasy à l’instar des romans de Jack Vance ou d’Anne McCaffrey, pour ne citer que quelques exemples, ce premier roman augure de suites qui contribueront à enrichir un univers qui ne demande sans doute qu’à s’étendre dans le temps et l’espace.

Ne manquez pas les chroniques à venir sur l’univers d’Erûsarden. Les livres terminés sont disponibles sur Erusarden.fr (Gratuits en Epub). Le dernier livre en cours parait en feuilleton hebdomadaire. Bonnes lectures.

Havensele Cité Rouge – Charlotte Bona

Rouge, comme le sang. Le sang de l’humanité, ce sang que Cité a vu versé à flots lors de son éveil en temps de guerre. Ce sang que les humains continuent à répandre dans leur soif inextinguible de puissance et de pouvoir.

Alors que Mathilde s’adapte avec difficultés à sa nouvelle vie en Havensele, Thomas, Alexian et l’ensemble des émissaires continuent à essayer de contenir les conflits qui couvent entre les nations.

Moscou et ses mafias russes, le Kazakhstan et ses islamistes, Washington et ses agences plus ou moins occultes, en passant par la Suède et le Guatemala … Alexian et Thomas sont sur tous les fronts, les scènes d’action survitaminées évoquent les images des blockbusters du cinéma américain.
En dépit de leurs efforts, le cataclysme anticipé par Cité semble inéluctable.

La situation de Mathilde en Havensele est presque aussi complexe. Son caractère bien trempé provoque des conflits avec les fondateurs et avec Cité, pendant que ses relations avec Thomas et Alexian soufflent le chaud et froid… avec sensualité.

Ce troisième tome tient toutes les promesses issues des deux premiers. Nos personnages, particulièrement Mathilde et Alexian sont de plus en plus incarnés. Les personnages secondaires introduits dans les tomes précédents gagnent en épaisseur. Le fil de la narration qui semblait dirigé de façon à peu près linéaire se complexifie de boucles et de nœuds, et le dénouement pourra surprendre plus d’un lecteur.

Conclusion de la trilogie, Cité Rouge est plus sombre que les deux premiers. Toujours aussi vivant et addictif, il est difficile de résister au désir de tourner la page pour connaitre la suite. Les descriptions des lieux sont si évocatrices parfois qu’on ne peut s’empêcher de rechercher des photographies pour les comparer aux visions que l’on imagine. Le rythme trépidant auquel s’enchaînent les événements est soutenu et heureusement que l’autrice nous ménage quelques respirations dans l’intimité de ses personnages.

Si vous avez aimé les deux premiers, vous ne serez pas déçus par celui-ci, et on attend avec impatience de voir quels chemins prendra l’autrice pour ses prochains romans.

PS – Il est disponible en format numérique Kobo/Fnac, Epub, Amazon.

Existence – David Brin

De la SF tout compris

Il existe des auteurs ambitieux, David Brin est certainement de ceux-là. En terminant la lecture d’Existence je me suis posé la question :

Est-ce le roman ultime de Hard SF?

A chacun sa réponse..

Au début du roman nous sommes en 2050, la terre a connu une catastrophe nucléaire sous forme d’attaques terroristes lors du « Jour sombre ». L’environnement global a continué à se dégrader sur la lancée du réchauffement climatique, montée des eaux, océans poubelles ….
Les Etats-unis ont éclaté à la suite du « Jour sombre », la Chine est devenue la première puissance d’une économie plus mondialisée que jamais et stabilisée dans sa structure sociale par le « Superaccord » conclu entre les gouvernants réunis dans l’Union Mondiale et les puissances économiques divisant la société en dix « Ordres ». Le développement des réseaux et des Intelligences Artificielles présentes dans tous les domaines donne accès à tous à toutes les informations et a permis l’émergence de véritables personnalités virtuelles dont le rat Porfirio.
On pourrait se croire dans un roman de la Tétralogie Noire de John Brunner, autant par le fond que par la forme. David Brin se référe explicitement à Tous à Zanzibar dont il a repris la structure narrative inspirée de Dos Passos.

Une brochette de personnages principaux exceptionnelle. Premier à entrer en scène, Gérald, astronaute éboueur assisté par un singe évolué. Puis Hacker Saénder, play-boy multimillionnaire aventurier jouant à l’astronaute avec ses fusées sportives. Le personnage central, Tor Povlov, une journaliste free-lance toujours à l’affût d’informations délaissées par ses confrères. Hamish Brookeman, écrivain d’anticipation catastrophiste opposé aux dernières avancées scientifique et techniques, porte-parole du « Mouvement du Renoncement » dirigé par Tenskwatawa. Jonamine Bat Amittai, auteur de « La corne d’abondance de Pandore » dont les extraits parsèment l’ensemble du livre. Lacey Sander, mère de Hacker et membre du Premier Ordre. Peng Xiang Bin et son épouse Mei Ling, coolies chinois, subsistants de la récupération d’objets engloutis lors de la submersion de Shangai. Le professeur Noozone, scientifique Rasta Jamaïcain animateur du show « L’univers est à vous ».

On y trouve encore une entité hybride composée à partir d’un mélange d’esprit entre les autistes et les ia, ayant son propre langage à la ponctuation symbolique.

« Qu’est-ce qui compte, alors ?/? le progrès ? de nouveaux esprits ??
après le cortex et les bibliothèques : le Web, lacis, réseau-ia
— quoi encore ?/!
pour offrir l’espoir/l’échec à cette folle humanité +/?
aux brillants esprits horlas 1 +/?
ou aux hybrides-autistes tels que moi +/?
« 

Et puis des Néandertaliens recréés, des Dauphins et des singes sapiens, des cyborgs, des robots conscients.

Enfin, des extraterrestres, de toutes provenances et de toutes formes, virtuels, contenus dans des univers de poche, émissaires de civilisations lointaines, rivaux ou alliés, rivalisant de séduction pour convaincre les habitants de la terre de se joindre à eux… Mais pour quoi faire?


Et l’histoire dans tout ça.

Les histoires, car le fil narratif est multiple. Le livre se divise en huit parties, les six premières se situant dans une continuité temporelle, les deux suivantes reprenant chacune quelques années plus tard.

Dans les six premières parties, l’histoire suit les personnages, en commençant par Gerald et sa découverte d’un artefact étrange dans l’espace. D’où vient cet artefact ? Est-il vraiment extraterrestre ? Est-ce un canular ? Les destinées s’entrecroisent, mêlant recherche scientifique, aventures, explorations, enquêtes journalistiques, manipulations politiques, barbouzes, révélations médiatiques à un rythme soutenu. Se mêlent aux aventures des robots, des ia, un e-ssaim, des dauphins, des auties. D’autres artefacts venus du fond de l’histoire humaine apparaissent. Et le tout converge vers une révélation finale qui va permettre de mettre en place les deux dernières parties.
Il est difficile de parler des deux dernières parties sans dévoiler des éléments des six premières. Nous y retrouvons nos protagonistes des années plus tard, préparant l’humanité aux conséquences de la révélation finale. Nous découvrons une grande partie de l’histoire des civilisations galactiques, des conflits et batailles, et l’enjeu et les défis y sont immenses.

Des idées, encore des idées

Le thème principal du roman est Le Paradoxe de Fermi. David Brin y apporte des réponses originales qui se chevauchent et se contredisent au fur et à mesure des découvertes. Il introduit aussi une série de questions aux éventuels observateurs extraterrestres remettant en question leurs comportements supposés. Comme dans « Le cycle de l’élévation » il donne une place singulière à l’humanité au sein des civilisations galactiques.
Autour de ce thème transversal, il nous propose une vision du futur conduisant l’humanité à dépasser les catastrophes qu’elle a elle-même engendrées.
David Brin fait preuve d’un optimisme très Américain, et pour lui, c’est à partir du progrès technologique, de la liberté individuelle et de la liberté d’entreprendre que l’humanité pourra continuer à avancer.
Cette liberté n’est pas restrictive, elle inclut la coopération comme dans le cas des e-ssaims, groupes d’individus informels qui collaborent ensemble à la résolution de problèmes d’une manière plus efficace que des structures hiérarchiques.
Sa vision de l’humanité est ouverte et il y intègre à la fois les humains « normaux », les « auties » ou autistes surdoués qu’il considère comme une espèce à part, des néandertaliens recréés, des néo-dauphins et des néo-chimpanzés, des intelligences artificielles, des cyborgs, et même pourquoi-pas des extraterrestres qui adhèrent à sa vision.
Les choix technologiques du roman excluent toute possibilité de voyage supra-luminique, et c’est à partir de technologies à notre portée qu’il envisage les déplacements à travers l’espace, voile solaire propulsée par laser, frondes balistiques par exemple.

Et pour finir

Existence est un roman riche en idées, en concepts, en questions. Les réponses fournies sont celles de l’auteur, et même si on n’adhère pas à ses convictions les questions restent valides.
Mais surtout pour l’amateur de SFFF c’est un roman d’imaginaire, mêlant de façon originale, aventures, merveilleux voire fantastique, à une vision réaliste de la science à travers des personnages attachants.
A travers l’espace, à travers le temps, ici et ailleurs, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, un superbe roman de Hard Speculative Fiction.
Bonne lecture.

PS – critique à lire sur Le culte d’Apophis.

Aurora – Kim Stanley Robinson

« Mon ami , tu ne trouveras pas d’autres mondes,
Pas d’autres mers, pas d’autres planètes, nul endroit ou t’enfuir…
Tu es pris dans un nœud que tu ne pourras pas défaire,
Car la terre aussi est un vaisseau interstellaire.
 »

Cette traduction/transcription d’un poème de Constantin Cavafy résume le thème d’Aurora, livre fascinant aux niveaux multiples et qui demande un effort de lecture. Le thème du livre est un classique de SF, un vaisseau arche envoyé pour coloniser le système d’Aurora.

SYNOPSIS

L’histoire commence 160 ans après le lancement du vaisseau et suit Freya une adolescente, fille de Devi ingénieure en chef du vaisseau et de Badim. Freya, que Devi considère comme un peu lente, nous fait découvrir au travers de ses rencontres à la fois les différents biomes du vaisseau et les multiples cultures qui s’y sont développées durant le voyage au parmi les deux mille habitants qui y sont confinés.
Robinson auteur de Hard-SF, détaille de façon approfondie les mécanismes du vaisseau, de son écologie et de son fonctionnement en général. Ceci rend son écriture un peu ardue et demande un effort au lecteur.
Sans dévoiler le déroulement du récit, la richesse des thèmes abordés dans ce roman est foisonnante, trop peut-être.
La première partie nous conduit à l’arrivée du vaisseau à destination et aux premières tentatives de colonisation et de terraformation qui ne se passent pas sans embûches.
Dans la deuxième partie, les problèmes rencontrés entraînent une scission parmi les passagers du vaisseau, entre ceux qui veulent poursuivre les efforts de colonisation et ceux qui veulent revenir sur terre.
La troisième partie suit les partisans du retour qui se voient obligés par manque de ressources de confier la conduite du voyage à l’IA du vaisseau, constituée d’un réseau d’ordinateurs quantiques.
Dans la quatrième partie, le seul protagoniste est l’IA du vaisseau. Accède-t-elle à la conscience? Nous suivons toutes ses interrogations « algorithmiques » à propos des choix à effectuer pour mener ses passagers à bon port.
La dernière partie décrit le retour à la terre qui est bien différente de ce qu’elle était à leur départ et qui a connu elle aussi son lot de difficultés.

LECTURE

Lisez ce livre
Lisez le pour Freya qui est humaine, trop humaine.
Lisez le pour le vaisseau qui est connaissance devenue conscience.
Lisez le pour les biomes, arcologies écologiques à l’équilibre toujours remis en cause
Lisez le pour le voyage dans l’espace admirablement décrit.
Lisez le pour ses mondes à coloniser.
Lisez le pour sa science.
Lisez le pour …

Il y a tellement de choses dans ce roman, vous allez sauter des passages, revenir en arrière, essayer de comprendre, vouloir espérer, composer avec les échecs.

Certains parlent d’un ouvrage pessimiste, et c’est vrai qu’il n’y a pas de futur radieux ni pour les voyageurs ni pour ceux qui sont restés. La science qui y est proposée ne crée pas un monde idéal, les connaissances avancent en même temps que la conscience d’une complexité qui conduit à l’humilité. Les protagonistes humains ou IA ne sont ni des génies ni des héros, ni des dieux. Le chemin qu’ils suivent leur fait comprendre que l’important est de prendre soin de ce qu’ils ont et de ce qu’ils sont ensemble.

Complexe, fascinant, envoûtant, contemporain et intemporel, essayons de comprendre avec Freya nos forces et nos faiblesses pour faire le plein d’humanité.

Littératures de l’Imaginaire – Subversives par nature?

Il faut bien admettre que les littératures de l’imaginaire ou SFFF ne sont pas mise en avant par les médias français contemporains.

Les pages culture des quotidiens, hebdomadaires ou mensuels, des radios , des télévisions évoquent facilement les romans classiques ou contemporains, les romans policiers ou thrillers et même la bande dessinée considérée comme le neuvième art. Les littératures de l’imaginaire restent les grandes oubliées des médias.

Oubliées ? Est-ce vraiment un oubli ? Rassurez-vous, je n’y vois pas un complot, mais il devrait être possible de trouver une ou plusieurs explications à cette absence.

De fait l’imaginaire n’est pas totalement oublié, les films et séries inspirées par les littératures SFFF sont nombreux, connaissent de grands succès et font la une des médias. Et même si ces films et séries sont inspirées de livres les livres eux-mêmes sont assez vite oubliés.

Alors, pourquoi cette invisibilité des littératures SFFF ? L’image du lectorat de SFFF est celle d’un public adolescent plutôt masculin qui cherche avant tout une lecture d’évasion et de distraction. Cette image est facilement opposée à celle du lecteur de littérature dite classique qui a une approche plus intellectuelle et même au lecteur de romans policiers, thriller ou d’espionnage qui est plus mur et plus adulte.

Cette image, loin de la réalité, contribue à cantonner l’imaginaire à une littérature de niche qui a son utilité, comme introduction à la littérature pour un public jeune, qui adulte pourra enfin progresser vers des littératures plus sérieuses.

Et pourtant, loin d’une littérature de seconde zone, les littératures de l’imaginaire, qui ont une longue histoire, que l’on peut faire remonter aussi loin que l’épopée sumérienne de Gilgamesh en passant par l’Iliade et l’Odyssée, les romans Arthuriens, les contes et légendes de tous pays et qui vont jusqu’à des futurs lointains ou les sciences les plus complexes ont une importance prépondérante, présentent une richesse de thèmes et de récits n’ayant rien à envier aux autres formes de littératures.

Il faut reconnaître que ces littératures sont souvent déroutantes , d’autant plus dans les écrits contemporains ou l’intertextualité prend une plus grande importance et entraîne une difficulté à pénétrer certains ouvrages qui font appels à des concepts ou événements déjà connus des lecteurs assidus du genre.

Cependant, à mon sens, la véritable difficulté que rencontrent ces littératures à atteindre un lectorat et une reconnaissance plus importante est liée à leur nature intrinsèquement subversive.

Est subversif ce qui « renverse ou menace l’ordre établi, les valeurs reçues », et c’est bien la nature des littératures de l’imaginaire. Quel qu’en soit le propos politique, économique, spirituel ou religieux, tout ouvrage de SFFF a pour base un décalage avec l’ordre établi, ce n’est plus « notre monde », la base de chaque livre est en déphasage avec le monde de notre expérience quotidienne.

Ce décalage permet à l’auteur d’imaginer d’autres réalités, et au lecteur de comprendre qu’il pourrait exister d’autres possibles. « Et si … », voilà la base des littératures de l’imaginaire, et c’est sans doute aussi la base de son absence dans les médias.

« Et si… », ce ne peut pas être sérieux, et pourquoi pas de la magie tant qu’on y est ? Alors là, mon cher vous êtes en pleine science-fiction !

La bien-pensance souffre de cette incertitude et y voit instantanément une idéologie malsaine permettant toutes les dérives. Or les littératures de l’imaginaire ne se cantonnent à aucune idéologie et souvent l’idéologie ou la spiritualité soutenues par l’auteur d’un livre ne posent aucune contrainte au lecteur qui, lui, sait qu’il vient de rentrer dans un imaginaire qui est loin d’être unique et que dès la lecture terminée il pourra passer à un autre imaginaire parfois diamétralement opposé.

C’est bien là que se trouve la force de la SFFF, aussi riche et évolutive que la vie elle-même ouvrant tous les horizons, affranchie des contraintes du réel et défrichant la voie de tous les possibles.

Lisons sans limites!